HOMELIE DU DIMANCHE 2 avril 2023
dimanche des Rameaux et de la Passion -année A
Je voudrais introduire cette homélie par un commentaire d’ordre liturgique. Ce dimanche associe traditionnellement les lectures des évangiles des Rameaux et de la Passion. Cette concomitance peut étonner, même si seulement quelques jours séparent les événements relatés. Une des raisons de cette juxtaposition est pratique : si l’on est présent qu’aux messes du dimanche (ce qui est fort bien !), on passerait directement des Rameaux à Pâques, occultant la Passion et la mort sur la Croix, célébrés le vendredi saint. Cette juxtaposition présente néanmoins un intérêt : mettre en évidence la versatilité d’une foule, qui un jour dit blanc et un autre jour dit noir, au gré des influences diverses. Visiblement, même sans internet ni réseaux sociaux, la foule de Jérusalem n’a pas échappé à cette versatilité : certainement, un grand nombre qui ont pu crier le vendredi « à mort, à mort, crucifie-le » ont-ils participé à l’acclamation du Messie entrant à Jérusalem quelques jours avant. Un premier écho à l’écoute de ces deux évangiles nous ramène à notre propre versatilité, en fonction du dernier qui a pu nous parler et nous influencer. Être à l’écoute ne veut pas dire changer systématiquement d’avis, surtout si le dernier avis s’éloigne du bien commun.
Nous avons assisté à un procès mené par le procurateur Pilate, procès qui s’est conclu sur une condamnation à mort, et à la mort sur la croix. Dans un procès pénal de cette nature, on condamne quelqu’un pour ses crimes. Dans un procès politique, on condamne quelqu’un pour ses opinions parce qu’elles inciteraient à la révolution. Quand Pilate demande « quel mal a-t-il donc fait ? », personne ne trouve rien à répondre. On ne peut guère accuser Jésus de tenir des propos incitant à la guerre civile, même si Rome redoutait les insurrections provoquées par les prédicateurs en tout genre. Jésus prêchait plutôt la non-violence et le pardon. Il a d’ailleurs fort peu parlé de lui-même, et ordonnait souvent le silence quand il guérissait. Alors pourquoi le condamner ? Il est condamné pour le seul fait d’exister et de parler au nom de Dieu le Père, d’être sa Parole. Lui, il se tait, à tel point que Pilate d’en étonne.
Ce motif de sa condamnation à mort nous conduit à être attentif à la 2ème lecture, celle de Saint Paul aux Philippiens, avec ce passage célèbre que l’on appelle « l’hymne aux Philippiens » qui résonne comme un texte de la liturgie. D’ailleurs, tous les samedis soir de chaque semaine, dans l’Office de Vêpres, nous sommes invités à le prier. Il a été écrit dans les années 50, soit moins de 20 ans après la mort et la résurrection du Christ, donc écrit avant les évangiles. Cet hymne est certainement le premier écrit qui résume en peu de phrases, comme une prière, l’essentiel des fondements de la foi chrétienne. Arrêtons-nous quelques instants sur cet hymne. Il est écrit selon un mouvement descendant, puis ascendant, résumant ainsi tout le mystère de l’Incarnation et de la Rédemption qui passe par le Christ, vrai homme et vrai Dieu.
Jésus-Christ est de condition divine, de toute éternité. Librement, il s’est fait le serviteur de tous, afin de nous communiquer l’être, la parole et l’agir de Dieu. Il est devenu obéissant jusqu’à la mort. Obéissant, du latin ob-audire, c’est-à-dire mot à mot : mettre son oreille (audire) devant (ob) la parole. Jésus a vécu sa vie d’homme dans l’humilité et la confiance, à l’opposé de l’arrogance et du calcul, qui sont les risques et les travers de toute forme de pouvoir.
Un des pièges de cet hymne serait de considérer que la victoire sur la mort serait une forme de récompense à celui qui a tenu dans les épreuves, comme si Dieu avait voulu éprouver Jésus pour cela. Seul le tentateur éprouve. Dieu n’éprouve pas : il fait confiance et demeure à nos côtés, quoiqu’il arrive. Car c’est bien ce qui est arrivé au Christ Jésus. Dieu l’a exalté et lui a donné la victoire sur la mort, pour nous ouvrir le chemin de la vie, de la vie éternelle, au-delà de l’espace et du temps, une vie qui baigne dans la lumière divine. Car l’homme, fait à l’image et à la ressemblance de Dieu, est fait pour Dieu et pour demeurer avec Dieu. Le projet de Dieu, son dessein bienveillant, est de nous faire entrer dans son intimité, son bonheur, son amour parfait. C’est un don, et nous ne le revendiquons pas, nous le désirons et nous essayons d’orienter notre vie pour recevoir ce don, que nous sommes toujours libres d’accepter ou de refuser. Dans le langage de la foi, ce don s’appelle aussi la grâce que nous recevons comme le dit les paroles de salutations du prêtre en début de messe : la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ, l’amour de Dieu le Père, et la communion du Saint Esprit soient toujours avec vous, c’est-à-dire vous habite pour toujours.
Que notre chemin tout au long de la Semaine Sainte qui s’ouvre aujourd’hui, nous aide à davantage prendre conscience du don de la vie que Dieu nous a fait à chacune et chacun, en prenant notre condition humaine en Jésus, en l’assumant jusque dans ses plus terribles souffrances, pour nous relever, c’est-à-dire nous ressusciter d’entre les morts et nous donner gratuitement de vivre en enfant de Dieu, dès à présent.
Christophe DONNET, Diacre
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